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Portraits

Ségolène Bodet, l'experte comptable qui n'a pas froid aux yeux

Dans l’effervescence de la Loi Pacte et de l’entreprise à mission, on en aurait presque oublié que le texte contient d’autres dispositions dont certaines risquent de modifier considérablement le métier de l’Expertise comptable. Du coup, on en a profité pour aller à la rencontre d’une jeune diplômée qui n’a pas froid aux yeux. Entreprendre dans une profession réglementée, c’est le choix de Ségolène Bodet !

Qui êtes-vous Ségolène Bodet ?

J’ai 28 ans, j’habite à Montpellier mais je suis originaire de Lyon. J’ai deux sociétés. Une en expertise financière et une autre en expertise comptable. La première a vu le jour il y a un an et la seconde, il y a deux mois car je suis tout juste diplômée Expert-comptable.

Quel a été votre parcours d’études ?

J’ai passé un bac S car je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire ! Ensuite, je me destinais à HEC mais j’en avais tellement marre de la théorie que j’ai opté pour un DUT Techniques de commercialisation. J’ai beaucoup aimé. J’ai pu faire des stages dans des hôtels de luxe. Je voulais découvrir le commerce dans son ensemble pour faire mon choix. Au final, tout m’a plu ! J’ai enchaîné avec un bachelor en Écosse, dans le cadre d’un Erasmus. C’était un peu une pause. Le recul m’a permis d’y voir plus clair et de réaliser que ce qui m’intéressait, c’était le pilotage et l’administration des entreprises. C’est notamment le travail du DAF. Alors je suis entrée en Licence Comptabilité Finance et ensuite, j’ai fait un Master Comptabilité, Contrôle et Audit à Montpellier (Master CCA). Puis j’ai obtenu le DSCG et j’ai suivi le cursus expert-comptable.

J’ai été expert-comptable stagiaire salariée pendant trois ans. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que le salariat n’était pas fait pour moi. Les valeurs, la façon de fonctionner ne me convenaient pas. Je ne viens pas du tout d’un milieu d’entrepreneurs. Je suis issue d’un milieu de professeurs et de salariés. Au départ, c’est donc plutôt à ça que je me destinais, ça me semblait naturel et logique. Finalement, j’ai fait trois boîtes en trois ans ! Le fait de ne pas pouvoir décider de mon quotidien, c’était insupportable… En échangeant avec mon conjoint et des amis, je me suis dit que je pouvais me lancer seule et y arriver ! À l’issue des trois ans, j’ai donc négocié un contrat de partenariat avec la dernière entreprise dans laquelle je travaillais et je suis partie. J’ai eu de la chance car ce partenariat m’a bien aidée à lancer ma première structure d’expertise financière

Ça ressemble à quoi, le métier de Commissaire aux Comptes aujourd’hui ?

La loi Pacte modifie et va modifier de façon très importante le paysage concurrentiel de l’expertise comptable. Pour s’aligner sur la loi européenne, il y a un rehaussement des seuils actuels en ce qui concerne l’obligation légale de nommer des CAC (Commissaire aux Comptes). Donc, assez rapidement, la profession de CAC va se concentrer sur les cabinets les plus importants et les petits cabinets vont être obligés d’abandonner ce métier et réinvestir dans le métier d’expertise comptable.

Ségolène Bodet

Comment faites-vous pour lutter contre l’isolement de l’entrepreneure ?

L’effet de bord, ça sera donc la démultiplication de la concurrence en expertise comptable. Aujourd’hui, on constate que les jeunes ne sont déjà pas très attirés par ce métier mais là, ça va devenir encore plus compliqué. Le métier a beaucoup changé depuis quelques années et les cabinets sont obligés de se réinventer. De trouver de la valeur ajoutée pour se maintenir et attirer les bonnes recrues.

Malgré cette perspective morose, je me suis dit que ça valait quand même le coup de me former à ce métier. J’ai des bases techniques très importantes qui donnent de super réflexes en tant qu’entrepreneure, et ça me donne confiance. Expert-comptable, c’est être entrepreneure à la base. Et ma connaissance du commercial est aussi un plus pour exercer ce métier.

Comment voyez-vous l’avenir de votre profession dans ces conditions ?

Loi Pacte ou pas, je sais que je suis bien formée. Je sais ce qui peut arriver, je sais à quoi m’attendre et je suis prête à rebondir. Je me forme beaucoup, je multiplie les angles d’approche. C’est très important pour moi, ça me nourrit.

Ségolène Bodet

En créant mon cabinet, j’ai intégré un réseau qui s’appelle Viseeon. Ils proposent un modèle différent et nouveau. C’est le premier réseau d’expertise-comptable en marketing relationnel. Chacun est le parrain ou le filleul de quelqu’un. Ce modèle, très éloigné du système pyramidal, a d’ailleurs été validé par le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables (CSOEC). Il contribue à aider les jeunes à se lancer. On est toujours accompagné. On retire des bénéfices de la réussite des filleuls, c’est gratifiant. On a tous intérêt à ce que les autres réussissent.

Aujourd’hui, nous sommes plus de 30 et le chiffre augmente régulièrement. Cela permet, par exemple, de pouvoir faire face à de très gros cabinets et de répondre à des appels d’offre, et on a la chance de pouvoir choisir les gens avec qui on souhaite travailler. Le réseau aide aussi à surmonter la peur de se lancer, ça rassure. Il y a une vraie bonne intelligence. Nous sommes tous indépendants mais nous partageons nos réussites. Ça me parle beaucoup.

Pour moi, c’est le parfait équilibre entre l’indépendance - le fait de se lancer seule -, et la force d’un groupe. On construit le réseau avec des profils variés pour pouvoir répondre au mieux à la demande des clients. Je suis convaincue que cette façon d’exercer représente l’avenir.

Vous avez dû affronter des peurs avant de vous lancer seule ?

Avant de me lancer, je pensais que je n’étais pas à la hauteur. Le risque me faisait trop peur. Mais aujourd’hui, si tout devait s’arrêter, je ne regretterais rien. La boule au ventre du dimanche soir à l’idée de retourner au boulot le lendemain, elle a disparu au moment où je me suis lancée. C’est tellement riche, les rencontres, l’autonomie, les challenges…

D’un point de vue rationnel, il n’existe pas énormément de risques à se lancer. Quand on est salarié, on peut être aidé pour créer sa boîte, bénéficier d’aides de Pôle emploi. Et au pire, en cas d’échec, une expérience d’entrepreneuriat est toujours un plus pour retrouver du travail par la suite. Je ne pourrai plus jamais être salariée et pourtant, j’étais très loin de penser ça au début de ma carrière !

Vous auriez un conseil pour les femmes qui souhaitent se lancer ?

Quand on se lance, on peut évidemment avoir des raisons de s’inquiéter. L’angoisse de ne pas avoir de clients, par exemple. Et, selon moi, encore plus quand on est une femme. Alors une chose déterminante, c’est d’être bien entourée. Si on s’entoure de gens qui ont peur (la famille en premier !), ça rend les choses très compliquées. Moi, je me suis entourée de gens qui n’avaient pas peur…

Par Violaine Berté
Crédits photos par Ségolène Bodet

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