Portraits

Laurène Clavier, en sport comme en entrepreneuriat, on rêve en grand !

Laurène Clavier, ancienne championne nationale de gymnastique. Formée en sophrologie et entrepreneuse depuis 5 ans, elle accompagne aujourd’hui des sportifs de haut niveau, au sein de l’INSEP notamment. Elle nous délivre ses conseils pour entreprendre comme on fait du sport… en associant rêve et plaisir ! Rencontre avec une entrepreneuse passionnée.

Bonjour Laurène, pouvez-vous vous présenter pour les lectrices et lecteurs d’ Entrepreneuze ?

Je suis sophrologue et préparatrice mentale : j’apporte à mes clients des outils pour réagir face à une problématique donnée et leur permet d’entraîner leur mental comme on entraîne son corps. La sophrologie est une technique psycho-corporelle. On accède au mental en passant par les sensations corporelles. Et c’est justement ce que connaissent bien les sportifs. Mon activité s’est développée dans le milieu du sport en rencontrant les psychologues de l’INSEP [Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance, ndlr] qui souhaitaient développer une activité de ce type à leur côté. J’ai également une activité autour du bien-être et de la gestion du stress. Et enfin, je consulte à mon cabinet à Paris où je reçois des sportifs de haut niveau et des amateurs qui ont envie de se développer pour une échéance sportive.

J’en suis arrivée là après mon propre parcours de sportive. C’est la base de mon histoire d’entrepreneuse. J’étais gymnaste de niveau national : j’avais de très bonnes aptitudes physiques mais beaucoup de mal à gérer mes émotions au moment des échéances. Du coup, on me collait l’étiquette de la reine de l’entraînement dont on ne sait pas ce qu’elle va donner le jour de la compétition… Et au cours de ma carrière sportive, personne n’a su me donner les clés pour mieux me préparer mentalement et ne pas vivre mes émotions comme une fatalité !

Au début de ma carrière, arrivée en région parisienne, j’ai commencé à travailler comme entraîneur mais en gardant toujours cette idée de préparation mentale. Mais on était en 2006 et c’était encore un sujet un peu marginal : les entraîneurs avaient même tendance à voir ce type d’activité comme une perte de pouvoir sur leurs athlètes. La préparation mentale n’était clairement pas encore dans les mœurs… Après une première expérience au Pôle Gymnastique artistique masculine de Vélizy, je me suis rendu compte que mon master était super sur le plan théorique mais que je manquais d’outils concrets pour le terrain. C’est à ce moment-là que je me suis formée à la sophrologie.

Laurène Clavier

Qu’est-ce qui vous a donné envie de passer du sport à l’entrepreneuriat ?

Au départ, j’étais en auto-entreprise à mi-temps, à côté d’un poste d’entraîneur. Mais j’ai réalisé que si je ne quittais pas le confort du salariat, je ne pourrai jamais développer cette activité qui me passionnait... Alors, après la naissance de mon deuxième enfant, en 2014, j’ai pris un congé parental et j’ai sauté le pas !

En vérité, mon travail de préparatrice mentale n’existe pas en tant que salariée donc je n’ai pas vraiment eu le choix et, au départ, je ne me sentais pas l’âme d’une entrepreneuse, je n’avais pas forcément la confiance en moi nécessaire pour me vendre, communiquer sur ma pratique. Aujourd’hui, avec les expériences positives, j’ai pris confiance. Ce que j’aime, c’est la liberté que cela me donne pour allier vie personnelle et professionnelle. J’apprécie aussi le fait de travailler avec des personnes très différentes : avec un sportif de haut niveau qui prépare les JO, puis en entreprise pour faire un atelier bien-être avec des salariés, poursuivre par une conférence auprès de dirigeants, puis retourner au sport... Cette variété enrichit qui je suis et ce que je fais !

En tant que préparatrice mentale et sophrologue mais aussi en tant qu’ancienne sportive de haut niveau, quel lien faites-vous entre l’entrepreneuriat et le sport ?

Mon passé de sportive m’a bien aidée pour devenir entrepreneuse, entre ce que j’ai vécu et ce que j’apporte aux gens que j’accompagne. Pour moi, la vie d’entrepreneure, c’est comme le sport : le succès peut être au rendez-vous un jour mais du jour au lendemain, le vent peut tourner. Il faut toujours avoir la niaque, une motivation qui te permette d’avancer. On se fixe des objectifs aussi, à court terme et à plus long terme. C’est important d’avoir toujours un rêve le jour où on a un coup de blues, où on ne sait plus pourquoi on est là… Actuellement, j’accompagne des sportifs en phase de qualification pour les JO de Tokyo : les entraînements sont intenses et la compétition est exigeante. Hier, je voyais une sportive de 30 ans pour qui c’est la dernière chance de se qualifier. « Qu’est-ce qui te fait rêver dans les Jeux ? » « De se voir à la cérémonie d’ouverture… » On a travaillé là-dessus et elle est repartie à fond !

C’est pareil en tant qu’entrepreneuse, on vit des aventures qui ne nous seraient jamais arrivées si on avait pris le plan salariée raisonnable… Alors, il faut continuer à visualiser ses rêves et même si c’est dur, écouter sa passion ! Voilà le parallèle que je fais entre sport et entrepreneuriat : tant que tu ne l’as pas fait, ce n’est pas impossible !

Quelles sont les difficultés des sportives et sportifs que vous rencontrez le plus souvent ? Sont-elles les mêmes dans l’entrepreneuriat ?

Pour une sportive ou un sportif, une grosse difficulté, c’est par exemple de revenir après une blessure, après un échec qui fait mal au moral. En ce moment, je travaille avec une fille de l’équipe de France d’aviron, je l’ai rencontrée en 2016 après un échec de qualification pour les jeux de Rio, elle avait raté une échéance clé et avait envie de se reconstruire. Aujourd’hui, elle se bagarre pour la qualification pour Tokyo.

Parfois, en entrepreneuriat, on a des attentes et parfois, de grosses déceptions… Comme en sport, tout donner, c’est une prise de risque, le risque de la déception, mais si on ne le prend pas, si on n’accepte pas le risque d’être déçu, d’y laisser des plumes, on ne fait rien, on ne se lance pas… Et plus le rêve approche, plus le risque est grand !

Quel est le secret d’un bon mental de sportive/d’entrepreneuse ?

Mon mantra, celui que je donne aux sportifs que j’accompagne, c’est : « Donne-toi les moyens de ne rien regretter. » Si tu réussis, tu auras tout donné… et si tu rates – parce que ça arrive -, tu ne peux rien te reprocher.

Pour travailler sur le mental, la performance de la sportive comme de l’entrepreneure passe par un bien-être général : se sentir bien dans son corps et bien dans sa tête, en adéquation avec ses objectifs, et toujours prendre du plaisir à ce qu’on fait. Je travaille avec ça. Je leur demande : « Qu’est-ce que tu kiffais dans ton sport quand tu as commencé ? » D’ailleurs, on dit souvent « jouer » à un sport ! Alors « joue » ! Pour l’entrepreneuriat, c’est pareil. Il faut trouver ce plaisir de base qui permet de supporter les contraintes ! Revenir à l’essence : qu’est-ce que j’adore ? Soit l’entrepreneuriat lui-même, soit mon projet, soit mon cœur de métier, ce que j’ai envie de porter. C’est une harmonie qui est nécessaire pour supporter les difficultés qu’on rencontre dans la vie de sportif de haut niveau comme dans la vie d’entrepreneuse…

Alexandre Henrard et Laurène Clavier

Qu’est-ce que la réussite pour une sportive ? Est-ce la même pour une entrepreneuse ?

La réussite n’est pas seulement chiffrée en performance, pour une entrepreneure comme pour une sportive ! Pour moi, tu as réussi quand tu sors d’une échéance pleinement satisfaite, tu n’as pas de regret : quelle que soit ta place, tu sais que tu as tout donné, tu es fière de toi. Se fixer un objectif, regarder en arrière, et se dire : si c’était à refaire, rien ne serait à changer !

Quand je travaille en imagerie mentale ou en visualisation, quand je prépare une échéance avec une sportive, je lui propose d’imaginer les minutes qui suivent la compétition, de prendre conscience des sensations d’un corps qui a tout donné, des émotions positives et intenses… Et ça donne la niaque, ça booste et ça donne envie d’avancer !

Des « rituels » pour vous sentir bien dans cette vie ?

D’abord, ne pas se laisser enfermer, trouver des sources de plaisir à côté de son travail ou de son sport de haut niveau, avoir des petites plages pour s’échapper… Pour moi par exemple, c’est faire du sport, aller courir. C’est un moment où j’évacue, je prends du recul, j’ai de nouvelles idées… Pour une sportive, c’est lire un bouquin, se faire un ciné, etc.

Ensuite, se fixer des objectifs, comme des petits points d’ancrage, à court terme, et toujours un objectif à plus long terme. Une sorte de rêve, pas quelque chose d’utopique et d’inatteignable, mais quelque chose qui fait se lever tous les matins et dire « Si j’y arrive, c’est top classe ! »

J’utilise aussi des techniques de sophro dans les moments importants. Quand je vais faire des conférences en entreprise par exemple. Ce n’est pas l’exercice dans lequel je suis le plus à l’aise, alors je fais mes exercices de respiration, de préparation. Dans la mesure du possible, j’essaye de mettre en pratique ce que je dis aux sportifs ! La première chose, c’est préparation à fond, répétitions, entraînement, etc. et le jour J, je travaille sur la gestion du stress… Notamment si je dois faire une conférence sur la gestion du stress !

Visualiser les échéances de manière positive est très utile aussi, et tous les petits couacs que je pourrais rencontrer, pour réfléchir à la manière de les résoudre, trouver des solutions, répéter mentalement comment je pourrais réagir.

Ce n’est pas tout le temps facile de s’appliquer à soi-même ce qu’on enseigne aux autres, surtout que je suis plutôt de nature anxieuse. On n’est jamais un bon juge pour soi-même, donc c’est toujours bien d’avoir une personne qui peut être un peu bienveillante, qui va vous aider à regarder le côté positif des choses, à regarder ce qu’on a accompli et pas uniquement ce qu’on n’a pas réussi à faire !

Un dernier conseil à une entrepreneuse qui se lance ?

D’abord, bien réfléchir à son projet, se demander si ce qui nous anime en tant qu’entrepreneuse est plus fort que nos inquiétudes à l’être. Ensuite, comme une sportive, faire le point sur sa situation personnelle, notamment sur le temps à consacrer à son projet. Ne pas hésiter à en parler, les conseils d’une mentore peuvent être vraiment importants : je me confie régulièrement à un ami qui a une super carrière, qui a un regard posé, qui arrive bien à me recadrer dans les moments où je doute… Trouver des gens qui ont réussi dans votre domaine pour les questionner, sur leur parcours, sur les leviers qu’ils ont activés, pour s’inspirer… Autrement dit, ne pas rester seule !

Tom Duquesnoy et Laurène Clavier

Et enfin rêver ! Pour moi, le rêve, c’est un jour partir avec une délégation aux JO ! ou accompagner une délégation dans une Coupe du monde, dans une grande compétition ! Cela me fait rêver et, en même temps, je sais que cela m’est accessible !

Les petites réussites font que tout devient possible et elles donnent des envies de plus en plus grandes… et ce qui était un rêve devient un objectif !

Les sportives et sportifs ont des échéances couperets liées à l’âge ou à la fréquence des compétitions (les Coupes du monde ont lieu tous les 4 ans). Il y a des moments-clés dans le sport, je suis qualifiée ou je ne lui suis pas, et dans certains cas, la carrière s’arrête là, comme un couperet, une échéance peut tout faire basculer… En tant qu’entrepreneuse, il peut y avoir des échecs et des déceptions, mais il y a aussi beaucoup de deuxièmes chances, de nouvelles opportunités ! Et si mon rêve ne se réalise pas, je sais que je pourrai en avoir plein d’autres… !

Par Gaëlle Roudaut
Crédits photos Candice Hénin et Laurène Clavier

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