J’ai fait une école de commerce à Paris, avec deux années de master où je me suis spécialisée dans la mode, suivies d’un MBA à Sup de luxe, la chaire Cartier. J’étais attirée par l’univers du luxe, la rigueur, le travail derrière le produit. Cela correspondait à l’époque à mon état d’esprit, car j’étais moi-même danseuse, 13 h par semaine, et je m’imposais cette rigueur-là dans ma vie personnelle, en parallèle de mes études.
J’ai ensuite travaillé chez Eres, la marque de lingerie et maillots de bain de la maison Chanel, puis chez Moynat, un fabricant de malles et de maroquinerie du Groupe LVMH. J’ai adoré ces deux expériences. J’y ai beaucoup appris mais je n’avais pas l’impression d’être 100% moi-même dans cet univers. C’est un milieu exigeant, qui m’a aidée à forger mon caractère, mais je ne me sentais pas en accord avec mes valeurs. J’en suis partie pour rejoindre Calzedonia, où j’ai pris la responsabilité du réseau de boutiques de la marque, en propre et en franchise, pour l’Île-de-France. J’y suis restée pendant 3 ans, avec l’idée par la suite de créer quelque chose, mon propre projet. Au départ, je pensais créer une ligne de vêtements pour personnes âgées. Je ne voulais pas seulement créer un business mais surtout créer une marque qui ait du sens. C’est comme ça que sont nés Les Jupons de Louison, il y a tout juste deux ans.
Mon idée, c’était aussi de rentrer sur le marché de la mode avec un produit unique, qui me permette de me démarquer car l’univers de la mode est saturé, il y a déjà beaucoup de marques et de nouvelles se créent tous les jours. Ensuite, moi-même, je porte beaucoup de jupes et de robes, et étant de petite taille, je me suis souvent dit que les modèles longs, les jupons, n’étaient pas faits pour moi… d’où l’idée de proposer du demi-mesure qui pourrait convenir à toutes !
Et puis, j’avais envie de créer une marque avec du sens, des valeurs, de faire partie du changement : tant au niveau production qu’au niveau achats, certaines consommatrices cherchent à revenir à une consommation plus raisonnée, avec des produits de qualité, un peu comme à l’époque de nos grands-parents. La demi-mesure, pour les femmes, s’est perdue avec la fast-fashion, alors que pour les hommes, elle s’est perpétuée avec les costumes et chemises. J’avais aussi envie d’aider et de valoriser les savoir-faire en France.
Je fais tous les dessins moi-même, à partir de sites spécialisés qui étudient les tendances à deux ans. Il faut à la fois réfléchir aux modèles et chercher des solutions, par exemple pour limiter les volumes, que ça corresponde le mieux aux clientes et aux différentes morphologies. Je travaille avec une modéliste qui fait les premiers patrons, les premiers prototypes. Une majorité de nos tissus sont issus de l’économie circulaire : fins de série de grandes marques, tissus dormants en stocks… Ils sont soit produits en France, soit tissés, confectionnés et teints en France a minima. On demande une fabrication de quantité raisonnable parce qu’on fait de faibles volumes et on ne veut pas aller vers la surproduction et le gâchis. Les tissus viennent de la région lyonnaise, historiquement une région de l’industrie textile française. Il s’y produit encore de petites séries, même si les plus grandes séries sont parfois délocalisées ailleurs en Europe. Mais pour moi, c’est important d’avoir un tissu qui vient de France et de connaître la chaîne du début à la fin.
Ensuite, nous travaillons avec un atelier à Chizé, entre Niort et La Rochelle. C’est une SCOP (Société coopérative ouvrière de production). L’atelier devait fermer il y a 10 ans, mais grâce à la mobilisation de toutes les couturières, elles ont pu garder leur travail et récemment, elles viennent même d’agrandir leur local. Elles sont 35 et travaillent pour des marques de haute couture comme Yves Saint Laurent ou Chloé. C’est une chance pour Les Jupons de Louison de collaborer avec elles, car nous avons des finitions de grande qualité. L’autre atelier est à Troyes, une entreprise familiale, tout juste reprise par un jeune, qui ne voulait pas voir le site fermer. Ils travaillent aussi pour Petit Bateau ou Le Slip Français. Ce sont tous des gens passionnés, qui font le pari sur Les Jupons de Louison, et veulent nous voir grandir. Enfin, nous confions certains travaux à trois couturières indépendantes qui avaient perdu leur emploi, et confiance en elles. Nous leur confions la confection des accessoires, bandeaux, chouchous, nœuds papillon... tout ce qui peut être réalisé à partir des chutes de tissus. Rien n’est perdu !
Nos produits sont tous en pré-commande à moins 10 % pendant une semaine. Cela permet de ne pas produire inutilement et de ne pas avoir trop de stock, la fabrication textile ayant un coût pour la planète. On ne fabrique que quelques pièces pour essayage au show-room : ce sont les clientes qui valident alors les prototypes. Puis nous avons besoin de temps pour effectuer les ajustements. Les clientes ont environ 3 semaines d’attente avant d’avoir leur produit. Mais elles achètent un produit ajusté, personnalisé : longueur, ajout d’un bouton, d’un nœud… des services qui n’existent pas dans la fast-fashion ! De même que les clientes, les ateliers donnent aussi leur avis, des idées, des façons de faire sur les créations. Nous pratiquons la co-construction, le rapport gagnant-gagnant…
La marque a réellement 18 mois et oui, le projet correspond vraiment à ce que je voulais. J’essaye de suivre ma route, même s’il y a des difficultés car l’entreprise est jeune et petite. Nous n’avons pas les délais des grandes industries. Au mois de mars, par exemple, on commence à dessiner et à se renseigner sur les modèles de l’hiver prochain, pour les montrer en avril à nos clientes, faire les ajustements et les sortir en juillet. On est un peu en mode start up, on gère les urgences, on éteint des feux…
Et il faut réussir à faire reconnaître le made in France, le coût du demi-mesure… Ce qui est compliqué, c’est qu’aujourd’hui, toutes les marques utilisent les mêmes termes, car c’est tendance de parler de consommation responsable, et finalement, c’est au consommateur de faire le tri pour savoir si ce n’est qu’un discours ou s’il y a une réalité tangible derrière. Pour nous, qui sommes une toute petite structure, c’est difficile de prouver que ce qu’on dit est vrai, les labels coûtent très cher et sans certification, ce n’est pas facile d'asseoir sa crédibilité. Un peu comme le bio pour l’alimentaire, dans une industrie qui est très compétitive, il faut réussir à tenir la barre et essayer d’avancer. Mais même si la marque devait s’arrêter demain, on aura fait notre part. Tous les jours, je suis fière de dire qu’on avance, que ce soit pour les ateliers, les couturières ou l’équipe, tous les gens avec qui Les jupons de Louison progressent...
D’abord, l’équipe s’est agrandie : j’ai accueilli Anouk en avril dernier, puis Emma et Clémence, en alternance et en stage, sont arrivées. Cela nous permet d’échanger, de construire ensemble. Pour moi, c’était essentiel de trouver des personnes qui partagent mes valeurs et qui ont envie de s’impliquer pour le changement. Et en étant 4 à développer la marque, on essaye d’être présentes partout !
L’avantage aujourd’hui, c’est qu’avec le digital, on n’a plus besoin d’ouvrir une boutique physique pour vendre. On a même des clientes aux USA et au Japon ! La vente en ligne nous permet aussi de réduire les marges et de faire un pas vers les consommatrices en matière de prix. Et les réseaux sociaux aident énormément dans la communication. Ensuite on essaye de nouer des contacts avec des réseaux comme Entrepreneuze pour faire parler de nous et de notre différence. On organise régulièrement des conférences et des ateliers au show-room avec notre communauté. Ce week-end, par exemple, on a accueilli une conférence de Slow We Are, un label éco-responsable qui suit de petites marques. On a fait des ateliers autour de la maternité et fin mars, ce sera autour du mariage.
Toutes sortes de thématiques avec une valeur ajoutée qui vont donner envie aux femmes de se déplacer pour apprendre quelque chose, se rencontrer, découvrir le show-room… et qui font grandir notre communauté. On va proposer un atelier pour apprendre à se maquiller rapidement, ou encore pour se coiffer en vue d’un événement. Ce sont des occasions de présenter nos collections et de faire découvrir d’autres marques en cohérence avec nos valeurs, à notre communauté. On communique aussi beaucoup sur notre singularité. On fait des vidéos pour montrer les dessous de l’entreprise, sa taille humaine, les étapes à l’atelier qui justifie le temps d’attente et le prix de nos produits. Notre communication se doit de rester authentique.
L’année dernière, on a eu la chance de travailler avec une influenceuse, Daphné Moreau, qui nous a apporté beaucoup de visibilité. Il nous faut toucher les influenceuses par notre histoire, car elles sont très demandées. Ce sont les journalistes mode d’aujourd’hui. Et d’ailleurs, des clientes viennent encore nous voir car elles ont entendu parler des Jupons de Louison sur le blog ou les réseaux de Daphné Moreau… Notre communauté et nos clientes sont fidèles. On a 55% de taux de réachat, ce qui est vraiment important. Ce sont des femmes qui ont déjà commencé le virage éco-responsable au niveau alimentaire, qui assument de payer plus pour consommer mieux et des produits de qualité. Elles ont déjà pris conscience que la fast-fashion est mauvaise pour la planète.
De continuer à enrichir nos collections pour répondre aux besoins du plus grand nombre de femmes ! On a une vingtaine de modèles différents maintenant. Cet été, on agrandit la gamme en proposant des robes et des hauts. Les hauts ont aussi plusieurs longueurs selon la taille du buste, la poitrine… et cela permet de proposer des assortiments avec les jupes. Aujourd’hui, par modèle, nous fabriquons et vendons entre vingt et cinquante pièces.
Nous voulons pouvoir proposer beaucoup de couleurs et de styles différents pour plus de variétés et nous sommes attachées à l’idée de pièces utiles pour toutes les occasions, de la vie de tous les jours aux cérémonies, pour consommer moins mais mieux. L’objectif ultime serait de proposer un dressing complet, qui nous corresponde, dans lequel on se sent bien, belle... Aujourd’hui, la plupart des femmes ont la chance d’avoir un travail qui leur plaît et qu’elles choisissent. Offrons-leur maintenant une image d’elles qui leur correspond, dans laquelle elles se sentent bien… et éco-responsable, et made in France en plus !
Le printemps arrive… Si vous avez envie de vous faire un petit plaisir pour les beaux jours, alors n’hésitez plus, et rendez-vous sur le site internet des Jupons de Louison.
Par Gaëlle Roudaut
Crédits photos Entrepreneuze et Marine Monloubou
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