Portraits

Béatrice Jauffrineau, l'ange de la finance

Portrait d'une femme moderne qui ne cesse de développer son ADN entrepreneurial. Et qui aide les entrepreneurs à aiguiser le leur !

Pour notre thème du mois de décembre qui aborde le sujet délicat des femmes et de l’argent. Et plus particulièrement le financement des entreprises par et pour les femmes, nous sommes allées à la rencontre de Béatrice Jauffrineau. Fondatrice et présidente d’honneur de Femmes Business Angels et créatrice de Business et Gouvernance.

Béatrice Jauffrineau parlez-nous de votre parcours...

J’ai grandi dans l’ambiance PME, en province, depuis toute petite. A l’époque le chef d’entreprise n’était pas très bien considéré. Il y a trente ou quarante ans il était trop souvent perçu comme quelqu’un qui exploitait les gens. Les chefs d’entreprise étaient vraiment vus comme les « méchants ». Alors qu’ils prenaient beaucoup de risques, créaient beaucoup d’emplois et de richesses. Cela m’a petit à petit donné envie de faire quelque chose pour réhabiliter les entrepreneurs et PME. Néanmoins, lorsqu’il y a plus de 15 ans j’ai créé Femmes Business Angels ce n’était pas complètement gagné. Mais je ne pouvais rester spectatrice… Depuis mes études donc l’idée a cheminé de faire changer les choses. Et il y a plus de 20 ans je me suis dit que la culture économique française devait vraiment sérieusement évoluer, en particulier vis-à-vis des PME et de l’innovation. L’idée m’est donc apparue de faire émerger en France des « business angels ».

femme business angel

Quel était le but de Femmes Business Angels ?

Je voulais mettre en relation des femmes motivées pour devenir business angels avec des entrepreneurs, hommes et femmes, qui avaient le projet de créer une entreprise innovante. Pour lever des fonds et être accompagnés par des gens expérimentés, qui ont un peu d’argent, qui ont des compétences, des connaissances etc. Le réseau FBA met en relation ses membres (uniquement des femmes) avec des entrepreneurs. Je l’ai créée en mai 2003, soit un peu plus de 15 ans.

Les femmes étaient-elles moins ou plus innovantes qu'aujourd'hui ?

À l’époque il y a avait très peu de femmes entrepreneures éligibles à l’investissement « business angels ». Très peu de femmes avaient suffisamment de projets innovants. A ce moment là les femmes entrepreneures avaient des projets moins ambitieux. Les business angels avaient donc moins de risque d’entrer au capital. Je ne voulais cependant pas créer un ghetto féminin. Je voulais surtout mobiliser des femmes pour qu’elles deviennent investisseuses à leur tour. Le risque en aidant uniquement les femmes entrepreneures était aussi de les conforter dans leur « cocon » de petites choses fragiles.

Qu'est-ce qu'un Business Angel ?

Le business angel répond à un besoin de financement auxquels les banques ne peuvent répondre. Notamment par rapport aux risques qui existent avec ces projets innovants et ces jeunes start up qui ne dégagent pas encore de revenus ou de bénéfices. Nés aux USA, les « anges du business » sont des particuliers qui ont un peu d’expérience et qui savent qu’ils peuvent perdre de l’argent et se le permettre. Les banques ont évolué ; elles sont de plus en plus partantes pour investir aux côtés des business angels.  Mais ce sont souvent les BA qui font le premier pas.

femme business angel

Est-ce qu'en créant ce genre de réseau, le but n'était pas aussi de faire venir les femmes à l'entrepreneuriat ?

Bien-sûr le bénéfice collatéral de ce réseau était logiquement de faire émerger des femmes entrepreneures. Les femmes pouvaient alors se sentir plus à l’écoute si elles avaient en face d’elles des femmes business angels. De mémoire nous recevions environ 30% de dossiers portés par des femmes et nos investissements allaient à ces dossiers pour environ 40% du total.

Les femmes sont-elles moins ambitieuses ?

femme business angel

Les femmes porteuses de projet innovant et surtout technologique, restent encore trop peu représentées, c’est un fait. Dès qu’on parle de création d’entreprise, de startup, d’innovation, les femmes sont beaucoup moins présentes. Je ne veux pas « pousser » les femmes obligatoirement vers des rôles dont elles ne veulent pas. En revanche, elles ont autant de capacités que les hommes à le faire. Elles en sont capables intellectuellement. Il faut que celles qui en ont envie, ne se mettent pas de barrière. Si on le veut on le peut, il ne faut pas limiter ses ambitions. Il faut vraiment essayer de s’entourer rapidement de gens complémentaires et expérimentés. Ne surtout pas partir seule. Il faut renforcer ses propres compétences avec celles des autres. Mais tout le monde n’a pas l’ADN de l’entreprise. C’est vraiment un combat de chaque jour. Il faut s’assurer que l’on est suffisamment combative, que l’on est sûre de soi et de son projet.

Vous avez également créé en 2007 Business et Gouvernance, en quoi cela consiste ?

C’est un cabinet pour accompagner les entreprises dans leurs levées de fonds. Je mets en relation des petites PME (ou grosse start-up) avec des fonds (voir des investisseurs particuliers). Je ne travaille plus uniquement avec des startup. Le cabinet aide dans la phase d’après : la PME innovante qui a besoin d’une nouvelle (ou première) levée de fonds pour s’ouvrir à l’international par exemple. Je les prépare aux échanges avec des fonds d’investissements. (Par ailleurs, j’ai une autre activité de conseil à l’international ; ces missions de conseils/formations à l’étranger visent à faire réussir des projets financés par des bailleurs de fonds internationaux, afin d’aider les pays en voie de développement à émerger de la situation économique dans laquelle ils se trouvent.)

Après un parcours comme le vôtre, quel principal message transmettez-vous en cette fin 2018 ?

J’encourage ! Si j’ai affaire à quelqu’un qui a réfléchi à son projet, si je sens que cette personne a l’ADN de l’entrepreneur alors je l’encourage. Il ne faut pas sous-estimer les difficultés mais il ne faut pas se brider non plus. Etre une femme cheffe d’entreprise aujourd’hui est peut-être encore mieux vu qu’un homme. Ce n’est pas juste une impression que l’on peut donner mais c’est la réalité. L’épanouissement passe par le fait que l’on veut aller au bout de son projet. Être femme et cheffe d’entreprise aujourd’hui c’est totalement compatible. On voit réellement l’évolution en 15 ans. En 2003 lorsque j’ai créé Femmes Business Angels, on sortait tout juste du 20ème siècle et les mentalités étaient encore assez réticentes face à l’entrepreneur. Aujourd’hui le regard sur les entrepreneurs a beaucoup évolué. Et il faut continuer.

femme business angel
Ce n’est pas toujours plus compliqué pour une femme, mais l’éducation (dans la famille ou à l’école) a un grand rôle à jouer : il faut que les petites filles, puissent dès le plus jeune âge voir des modèles pour leur permettre de s’identifier plus facilement. Qu’elles puissent intégrer la possibilité d’être entrepreneure ou cheffe d’entreprise un jour dans leur vie.
Par Bérengère Soyer
Crédits photos Béatrice Jauffrineau et Pixabay

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